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Sep
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La chapelle Sainte Anne des Pouhons

Comme on le sait, l’histoire de la chapelle Sainte Anne des Pouhons est très intiment liée à la seigneurie du même nom et aux seigneurs de Neufforge qui y furent maîtres de forge.

Toutefois, tout donne à penser que les forges des Pouhons étaient en activité bien longtemps avant qu’aucun membre de la famille vînt s’y installer. (Louis Thiry)

Je ne peux résister au plaisir de reprendre ici, quelques lignes bien évocatrices du Dr Louis Thiry lorsqu’il évoque ce merveilleux coin de notre région :

Lorsque le promeneur découvre, pour la première fois, le délicieux vallon qui s’étend depuis le village de Paradis jusqu’au pied des ruines de Logne, en passant par les riants pâturages de La Levée et les frais ombrages de Grimonster pour s’engager, ensuite, dans les défilés de Ferot et de la Lembrée, il peut difficilement accepter l’idée que jadis – et ce passé n’est pas si loin de nous ! – ces solitudes ont pu retentir des sifflements de la fonte giclant des fourneaux panachés de fumées, du martèlement sourd des gueuses passant sur de monstrueuses enclumes et du bruit allègre des martinets battant le fer pour le transformer en stendu fer marchand.

Comme quoi si l’industrie déflore la nature, le dernier mot finit toujours par revenir à la victime qui, pour terminer, étouffe son bourreau…

La chapelle solitaire des Pouhons est le seul vestige d’une seigneurie comprenant plusieurs villages, des forges, les mines de fer toutes proches.

Après une longue période de prospérité s’étendant du XVe au XVIIIe siècle, cette industrie déserta, pour ne plus y revenir, ces régions que les guerres de toute espèce avaient dépeuplées.

Si j’ai désiré vous écrire quelques lignes à propos de cette merveilleuse petite chapelle, c’est pour rétablir une vérité qui – à ma connaissance – a été systématiquement oubliée.

« La chapelle Ste-Anne des Pouhons de Harzé », c’est ainsi que tout le monde la connaît dorénavant. La bénédiction annuelle, à la Saint-Hubert, des chevaux et d’attelages, mais aussi des chiens, n’y est pas étrangère.

Et pourtant, la chapelle ne fut pas liée à Harzé de tous temps !

A ses origines, elle était même située sur le territoire d’Ernonheid, paroisse de My.

Reprenant encore Louis Thiry :

L’ancienne seigneurie des Pouhons comprenait Pouhons, Ernonheid, Avericoille et El Bârire, toutes agglomérations faisant partie de la paroisse de My et de la seigneurie du même nom. (NDLR : Aucune trace, même mémorielle ne subsiste de Avericoille et El Bârire)

Cette seigneurie fut partagée le 29 octobre 1476 à l’occasion du mariage de Raes de My, seigneur de My et vicomte de Ferot, avec Marie de Crisgnée ; une partie resta aux nouveaux mariés, l’autre fut attribuée à Colette Briffoz, avec clause de rachat pour une somme de 1350 florins d’or du Rhin.

Éverard de My vendit sa part, héritée de Raes de My et dépendant de Stavelot, au châtelain de Harzé, Ogier Boileau (25 août 1594) ; une stipulation de l’acte disait que, si Éverard de My venait à racheter la part jadis cédée à Colette Briffoz, Ogier Boileau ou ses descendants auraient la faculté  de s’en rendre acquéreurs au même prix que l’autre part. Ogier Boileau profita de cette faculté.

Je passe outre les péripéties multiples qui s’en suivirent.

Si bien qu’en 1608, la seigneurie appartenait conjointement à la famille de BOILEAU et aux héritiers d’Everard de FRAIPONT.

En 1685, Paul Herman de Boileau, seigneur de Vilhain et sa femme, Marie Gallo de Salamanca, donnèrent au prieur du monastère de Bernardfagne, leur part dans la dite seigneurie d’Ernonheid, l’autre moitié avait pour seigneur en 1699 et 1732, Eugène Louis de MAISIERES, seigneur d’Izier.

Ce dernier, fils de Jacques et de Charlotte de BERGHES fut baptisé à la chapelle Ste-Anne des Pouhons le 23 avril 1667 et naquit – selon mes déductions – au château du Faweux.

En effet, plusieurs actes des registres paroissiaux de My, semblent bien indiquer que le seigneur des Pouhons de l’époque, habitait le château du Faweux (voir acte de 1695).

Acte de naissance (RP)

Fort étonnamment, l’acte de naissance de ma maman, née le 23 janvier 1908 à Ernonheid, porte la mention « née à Pouhons ». En effet, à l’époque, ma grand-mère était servante au château du Faweux.

Que Harzé « s’approprie » la chapelle Sainte-Anne ne me dérange pas, mais que l’on n’oublie pas ses origines lointaines à l’occasion de son 500e anniversaire que l’on « devrait » célébrer le 04 septembre 2024.

Qu’il me soit quand même permis de rappeler que lorsque Louis Thiry et ses amis se battirent pour obtenir le classement de la petite chapelle, il eut à faire face à une franche opposition du conseil communal de Harzé, ainsi qu’à la même opposition du Conseil de Fabrique d’Eglise…voir encart (*)

Marcel Evrard

13 septembre 2011

L’autorité ecclésiastique voulut bien donner son approbation à ces mesures de répara­tion et la Commission royale des Monuments et des Sites accorda son adhésion à ces initiatives ; elle mit le sceau à son action bienfaisante en classant la chapelle comme monument historique (1).

Le public, — et il convient de citer ici la famille des barons de Neufforge, la plupart des anciens paroissiens de la chapelle et de nombreux bienfaiteurs — soutint activement de ses fonds et de ses encouragements l’oeuvre de restauration, laquelle ne s’arrêtera d’ailleurs pas en si beau chemin. La religion, le culte du passé et la volon­té des morts l’exigent.

(1) Malgré l’opposition conjuguée de l’administration communale et du conseil de fabrique de Harzé. Sans commentaires.

Mais une partie du mobilier a malheureusement disparu et on garde peu d’espoir de remettre chaque chose à sa place : de remarquables stalles, venant de Bernardfagne, ont échoué, après quels avatars ! au Musée archéologique liégeois ; l’égli­se de Harzé s’est attribué un meuble de sacristie de la même époque.

Louis Thiry

Deux articles du Docteur Thiry dans « Le Courrier d’Ourthe-Amblève » en 1935 et 1936 :

La chapelle des Pouhons

« Nous remplissons un agréable devoir en remerciant les nombreux amis de la vieille chapelle qui ont bien voulu, sitôt lancé notre S.O.S., nous envoyer leurs oboles.

Ceux qui n’ont pas encore envoyé leurs dons peuvent les déposer entre les mains des membres du comité dont les noms seront bientôt publiés ici.

Nous avons le plaisir d’annoncer, aux uns et aux autres, une bonne nouvelle. Le Conseil de fabrique de Harzé, non moins que l’Adminis­tration communale, ont répondu à l’invitation leur adressée par la Province, en protestant de leur intention de conserver l’antique chapelle des Neuforge, et de la restaurer entièrement ; elles y mettent une seule condition : c’est de trouver les ressources nécessaires pour cette remise en état.

Monsieur le Gouverneur a eu l’extrême bien­veillance de porter ces faits â ma connaissance, en ajoutant qu’il ne demandait pas mieux que de voir assurée, dans l’avenir, l’existence de la chapelle.

Ceci tombera dans l’oeil droit de cer­tains particuliers qui se sont un peu trop pres­sés de prédire la ruine prochaine de l’édifice ; et dans les yeux d’autres citoyens distingués, qui ont cru le moment venu de s’approprier divers souvenirs, et de montrer un empressement scandaleux à dévaster l’intérieur du temple (…)

Espoir et persévérance.

Pour le comité provisoire,

Le Courrier d’Ourthe-Amblève – 12 septembre 1935

Docteur Thiry »

Sainte-Anne des Pouhons

Une profanation

« Monsieur le Bourgmestre de la commune de Harzé vient de recevoir des autorités pro­vinciales une dépêche d’où il résulte qu’on se propose, en haut lieu, d’enlever de la chapelle Ste-Anne-aux-Pouhons, les pierres tombales des fondateurs, le plafond décoré, les débris du mobilier, pour abandonner le bâtiment lui-même à son malheureux sort. On espère que les intempéries et les chapardeurs en auront bien vite terminé avec le vénérable édifice.

Nous protestons avec la dernière indignation contre ces projets scandaleux. Peu nous chaut que le musée diocésain soit désireux d’annexer les dépouilles d’un lieu saint que certaines auto­rités devraient bien protéger, au lieu de le lais­ser indignement saccager.

Peu nous chaut d’où l’exemple et le principe de ces spoliations sacrilèges soient partis : on aurait tout aussi bien pu laisser en paix le vieux temple Neuforge, et se procurer ailleurs, cloche, statues et le reste, indispensables à la chapelle neuve de Houssonloge.

Si les braves gens de Paradis, Houssonloge et autres lieux avaient su ce que signifiait ce déménagement indigne, ils se seraient plutôt cotisés pour offrir à la chapelle neuve ce qui manquait (…)

Pour le comité provisoire,

Le Courrier d’Ourthe-Amblève – 5 septembre 1936

Docteur Thiry »

 

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