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Nov
29

LE CANAL DE L’OURTHE

Sections de Tilff et Esneux

 

Comme on l’a vu dans le dernier numéro, les travaux de canalisation de l’Ourthe entrepris sous le régime hollandais par la Société du Luxembourg pour réaliser la jonction entre la Meuse et la Moselle ont été progressivement abandonnés dès 1831.

En 1838, certains rêvaient encore d’un projet moins ambitieux améliorant la navigation uniquement sur l’Ourthe inférieure.

Mais en 1842 le chemin de fer avait déjà atteint Liège et Angleur. En 1846, les représentants de l’ancienne Société du Luxembourg, devenue Grande Compagnie du Luxembourg, ont alors obtenu la concession d’une ligne de chemin de fer de Liège à Luxembourg en échange de l’achèvement d’une voie navigable allant de Chênée à Laroche. Après différentes péripéties administratives, on  a finalement réalisé entre 1853 et 1857 un canal reliant Liège à   Pont de Scay (Comblain), appelé canal de l’Ourthe.

La conception de la nouvelle voie d’eau différait beaucoup du projet hollandais. Les nouveaux excavateurs à vapeur permettaient de déplacer de grands volumes d’alluvions. Les ingénieurs ont évité autant que possible la navigation en rivière en faisant creuser dans la plaine alluviale un canal latéral à l’Ourthe. On réduisait ainsi les dangers des courants et des hauts fonds de la rivière ; sur les eaux calmes  du canal, le halage des bateaux  exigeait beaucoup moins d’énergie. Dans la traversée des communes de Tilff et Esneux, la navigation en rivière canalisée ne se faisait plus que sur  trois sections : entre l’île du Moulin et le Monceau, entre Lhonneux et Fêchereux et à Esneux, dans un court tronçon compris entre Lavaux et le milieu de l’avenue de la Station.

Le canal était prévu pour le passage de petits chalands ou hernas pouvant charger 40 tonnes, d’une capacité nettement supérieure  à celle des anciennes « bètchettes » de l’Ourthe.

Entre Angleur et Comblain, la Grande Compagnie du Luxembourg a fait construire 11 barrages fixes et 17 écluses. Les écluses étaient longues de 25 mètres, larges de 3 mètres et assuraient un mouillage de 1,20 m.

Les écluses et les maisons éclusières attenantes étaient situées à Sainval (n° 6),  Tilff (n° 7), Sainte-Anne (n° 8), Méry (n° 9),  Hony (n° 10), Devant Fêchereux (n° 11), Devant Rosière (n° 12), Esneux av. de la Station (n°13 , détruite avant 1940) et  Evieux (n °14).

Les barrages  soutenant les biefs et les têtes de garde  du canal étaient situés à Tilff (île du Moulin), Méry (Monceau), Lhonneux, Esneux-Lavaux (le seul à avoir été supprimé), et La Gombe.

 

Tracé de l’ancien canal, sa situation par rapport au chemin de fer et à la route nationale 633.

Les chevaux de halage étaient attelés au herna par une longue corde attachée au mât, et l’action du gouvernail maintenait le bateau écarté de la berge.

À Lhonneux, le chemin de halage changeait de rive en amont du barrage. Il fallait donc transborder les chevaux nécessaires à la remontée des bateaux  dans un ponton, longue barque à fond plat.  La sécurité du ponton était assurée par un câble aérien de retenue et la traction se faisait sur un  câble immergé que le passeur saisissait dans une manette de bois crantée. La maisonnette du passeur installée sur la rive gauche un peu en amont du barrage existe toujours.

Le canal de Liège à Comblain a été complètement achevé en 1857. Peu après, la construction du chemin de fer de Liège à Jemelle terminée en 1866 a imposé le déplacement vers l’Ourthe de deux de ses  tronçons  situés entre Sainval et Tilff et entre Méry et Hony. Le relief porte encore les traces   de ces anciennes sections du canal.

 

Début du 20ème siècle. Hernas amarrés le long de la rue Ferdinand Spineux à Hony

Le canal de l’Ourthe a notamment assuré l’essor des carrières et des fours à chaux de la vallée de l’Ourthe et des usines métallurgiques de la Vieille-Montagne à Tilff et du Monceau à Méry.

 

L’écluse n°9 de Méry avant 1910. La maison éclusière existe toujours, à l’extrémité de la rue du Canal. On voit que le canal et ses dépendances (digues, chemin de halage)  occupaient beaucoup d’espace dans le lit majeur de l’Ourthe.

Il était aussi utilisé pour le transport  de denrées. En 1898, Joseph Pahaut, batelier de Tilff, exploitait une messagerie par eau entre Liège et Comblain-au-Pont. En été, les mardis, jeudis et vendredis, sa barque quittait la place Cockerill à 6 heures du matin pour arriver à Comblain vers 17h. 30 ; il accomplissait le trajet en sens inverse les lundis, jeudis, vendredis ; il desservait une quinzaine de points d’accostage.

Le canal a aussi participé au développement touristique de la région. Avant 1914, Tilff et Esneux ont été des buts d’excursion pour les canotiers liégeois attirés par la beauté des paysages et quelques hôtels réputés.

Mais, handicapé par sa lenteur et soumis à la concurrence du chemin de fer et de la route nationale N633 de Liège à Comblain, le canal  a été progressivement désaffecté. La section située en amont de Tilff a été déclassée en juin 1914 ; cependant, la section Liège-Tilff a été régulièrement utilisée jusqu’à la fin la guerre de 14-18, et même maintenue en service réduit jusqu’en 1948.

Certaines sections  progressivement envahies par la boue et les plantes aquatiques sont devenues de véritables vasières insalubres. La cuvette a été massivement remblayée  entre 1950 et 1957, souvent avec des matériaux douteux. La section d’Evieux à la Gombe a été comblée en 1967. Dans la Boucle de l’Ourthe, on a encore utilisé l’ancien canal comme dépotoir occasionnel (et clandestin) jusqu’en 1982.

L’ancienne voie d’eau a été finalement convertie en routes.

À Tilff, le canal comblé est devenu le Chemin du Halage. À  Hony, ce sont les rues du Canal, Ferdinand Spineux et une partie la route de Fêchereux qui suivent son parcours. Dans la Boucle de l’Ourthe, les rues Devant Rosière et de l’Athénée longent la cuvette  remblayée.

À Esneux ce sont les terres-plein de l’avenue de la Station, les rues des Naiveux et de Souverain-Pré qui ont été construits sur son tracé.

Quelques vestiges de cet ancien ouvrage d’art sont encore visibles le territoire de la commune: huit maisons éclusières – un bief  à Sainval – les barrages du bras gauche de l’île du Moulin, de Méry, de Lhonneux et de la Gombe – l’écluse n° 11 dite « devant Fêchereux » avec son musoir.

André Baltia

 

Pour en savoir plus : Dalem Robert et Nélissen André, Mille ans de navigation sur l’Ourthe, imp. Petitpas, Bomal-sur-Ourthe 1973. Petitjean O., Bulletin officiel du Touring Club de Belgique n° 24 du 15 décembre 1931 et n° 1 du 15 janvier 1932.

 

 

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